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9 janvier 2007 2 09 /01 /janvier /2007 19:29
Le fonctionnement binaire du débat politique, en France surtout, ne valorise pas l'analyse sereine de la complexité des pensées avancées par les uns et les autres et je me méfie en particulier du fonctionnement crypto-totalitaire des jugements péremptoires avancés par la gauche de la gauche, lorsqu'elle désigne un peu rapidement comme droitier, réactionnaire ou fasciste tout penseur ou politicien, ou simple citoyen - conservateur, centriste ou même socialiste (voir les procès de la gauche de la gauche actuelle faits à Fabius, Strauss-Kahn, Tony Blair, Shroeder et même ...les verts ayant signé avec lui les nouvelles mesures sur l'emploi en Allemagne..) - dès lors qu'ils se démarquent des solutions préconisées par la gauche extrême pour résoudre les problèmes sociaux et aller vers les grands soirs alter ou anti-mondialistes.
A ceux qui sont partisans d'une éthique en politique, il ne sera peut-être pas inutile de rappeler que Robespierre, le grand jacobin, précurseur des révolutions prolétariennes et de leur terreurs et charniers futurs, voulait, comme le mentionne Alain Finkielkraut, dans "l'imparfait du Présent" "substituer la morale à l'égoïsme" (Discours pour le bonheur et la liberté).
Le même Finkielkraut cite également, à la même page, le brillant plaidoyer de Robespierre pour l'exécution du roi sans procès : "Les peuples ne jugent pas comme les cours judiciaires; ils ne rendent point de sentence, ils lancent la foudre ; ils ne condamnent pas les rois, ils les replongent dans le néant ; et cette justice vaut bien celle des tribunaux." (in textes choisis, Editions sociales)
Mon commentaire personnel  sur cette citation: Si seulement il ne s'était agit que de replonger le roi dans le néant, je pourrais souscrire, mais on sait bien désormais (certains l'oublient ...) , qu'après le roi et le tsar, les cadets et les sales bourgeois oppresseurs des masses, suivent rapidement les mencheviks, les Socialistes révolutionnaires, les anarchistes et autres trotskistes, ainsi que tout le monde et en premier lieu et surtout les masses que l'on se propose de sauver du joug bourgeois capitaliste. 
Trotski lui aussi était partisan de l' "abolition violente de tous les liens moraux entre les classes ennemies." in "Leur Morale et la nôtre" cité également dans l'ouvrage d'AF ici mentionné ...
Comme disent les écologistes allemands à propos du nucléaire "Nein danke" non merci. Je ne suis pas prêt à m'embarquer dans une autre aventure égalitariste.
La démocratie bourgeoise, mondialisée ou non, n'est certainement pas le meilleur des régimes et il faut certainement l'aménager et le réformer sans cesse pour le rendre plus juste (ou plutôt moins injuste), et je reconnais que les alter-mondialistes jouent un rôle positif à l'échelon mondial et national.
Je suis en revanche résolument réformiste (ce que n'est pas, je pense, quoi qu'elle en dise, la gauche extrême en France), c'est à dire que je situe toute évolution possible à l'intérieur du système démocratique bourgeois, aussi injuste et inégalitaire soit-il (je ne suis pas un doux rêveur )
Il me semble en effet (sans en être certain !!! ceci est très important !!) que lui seul ne risque pas, par de violents coups de barre à gauche ou à droite, de provoquer des catastrophes sociales, humanitaires, écologiques - voir la situation des anciens pays du socialisme réel à ce sujet - bien pires encore que celles justement dénoncées par les écologistes et les alter-mondialistes.
On me répondra sans doute que c'est précisément ce système qui nous conduit à la catastrophe imminente. Je ne suis pas persuadé à 100% que cela ne risque pas de se produire, mais je penche plutôt pour une option un peu plus optimiste, et je ne pense pas être plus ignorant, plus mal informé ou plus dégueulasse que ceux qui annoncent un fin du monde proche. Peut-être pourra-t-on me persuader du contraire.
Je ressens un certain malaise, en effet envers les postures "Robespierriste" d'une certaine gauche, consistant à désigner forcément des salauds et des coupables de tout le mal existant dans le monde.
Les régimes totalitaires arrivent rarement au pouvoir sans que des salauds instrumentalisent les sentiments des peuples mais ils ne font que traduire dans les faits et dans des programmes politiques les aspirations et les rancoeurs des "damnés de la terre" envers des ennemis réels ou supposés de race ou de classe. Que ces ennemis soient identifiés, selon les circonstances historiques, les cultures et les pays, comme 'la juiverie internationale", "les cent familles", "le capitalisme monopoliste d'état", "l'axe américano sioniste" ou "l'axe du mal" cher à Bush, ne constitue pas à mes yeux une différence fondamentale et peut déboucher sur les mêmes catastrophes humaines que l'on a connues.
On sait ce que ce genre d'attitude a fait comme dégat, même et surtout quand elle émanait de gens ayant les meilleurs intentions du monde. L'enfer totalitaire est pavé de bonnes intentions progressistes.... Le goulag n'a pas été construit que par des salauds. Il n'a pas été l'oeuvre de progressistes bien sûr, je ne ferai pas le procès inverse, mais il a été rendu possible progressivement par des positionnements de type Sartrien distribuant les brevets de bonne conduite sociale et les excommunications intellectuelles.
On se souvient  de la phrase célèbre selon laquelle, à l'époque  il vailait mieux "avoir tort avec Sartre que raison avec Camus....."
Car en effet, si ceux qui ne partagent pas nos vues deviennent "objectivement" des alliés de la réaction, pourquoi ne pas fermer les yeux pudiquement devant la répression qui commence à les rendre inoffensifs dans des situations historiques toujours difficiles, où les choses se précipitent, où l'ancien monde réagit forcément, et où il faut prendre des décisions pour maintenir à tout prix au pouvoir les gens qui défendent les thèses dont je suis persuadé qu'elles sont supérieures à toutes les autres.
Que deviennent des Finkielkraut, BHL, et autres Kushner dans ce type de contexte extrêmement instable que sont les périodes révolutionnaires ?
Cela peut paraître sans doute injuste "unfair" disent les anglais , aux gens de la gauche extrême, qui viennent d'horizons anarchistes ou libertaires, et ne peuvent concevoir que leur combat puisse déboucher sur une société totalitaire, mais j'ai parfois l'impression que malgré des choix plus responsables et un militantisme tout à fait respectable aux verts et dans des associations alter-mondialistes, certains anciens baba-cool gauchistes et soixantehuitards reconvertis à la gauche du PS ou des verts continuent à s'enfermer dans le vertige douillet de la pureté doctrinale et idéologique.
Il est tout à fait légitime, bien sûr, d'essayer de convaincre les autres par des voies (des voix aussi dirait Lacan !!!) démocratiques. Mais le mur d'arain des convictions partisanes et militantes dresse parfois une barrière invisible et en tout cas silencieuse entre ceux que l'on veut convaincre et les convictions du militant ou du simple convaincu, car ce mur empêche peut être parfois d'entendre les objections de ceux qui, pour ne pas partager une vision millénariste d'une apocalypse proche qu'engendrerait immanquablement le système capitaliste, n'en sont pas forcément des crapules ou des ignorants.
Certains propos et "désignations" comme étant "à droite" - on disait "droitière" sous le stalisnisme et cela était souvent le début de la fin pour ceux qui étaient désignés comme tel - de positions qui s'interrogent, par exemple simplement, comme le font d'ailleurs la plupart des sociaux démocrates européens, sur la validité possible de certaines mesures prise par la droite ou sur le fait qu'une certaine flexibilité des emplois pourrait peut-être diminuer le taux de chômage en France, peuvent être perçues comme des discours d'apprenti commissaire politique.
Ils peuvent en tout cas aboutir au silence de gens qui ne sont pas des grandes gueules et n'osent pas répondre au risque de devenir infréquentables aux yeux de ceux qui s'érigent en "commandeurs du droit et de la morale politique.
Je le dis d'autant plus sereinement que je fais mon mea culpa et que j'ai bien conscience d'avoir proféré en mon temps ce genre d'évaluation sauvage à l'égard de gens qui étaient simplement plus pragmatiques (plus intelligents ? moins sectaires ?) que je ne l'étais à l'époque.
Au point où j'en suis maintenant, l'absence de certitudes est, pour moi, un signe de bonne santé mentale et politique, comparée à la rigueur doctrinale. L'histoire a heureusement permis de mettre au rencart épistémologique le concept de socialisme scientifique .
Pour terminer, et illustrer ma pensée, je vous propose ci-dessous, un texte d'Alain Finkelkraut, extrait de son livre de dialogues avec le philosophe allemand Peter Sloterdijk: Les battements du monde, chez Pauvert. Chapitre X. Où sont passés les adultes ? Ce texte traduit en effet assez bien ma position quant au manichéisme du débat politique actuel, en France surtout.
Cela ne signifie pas, bien sûr, une résignation adulte à ne pas changer un monde imparfait, mais plutôt une position "Camusienne". La révolte devant les injustices du monde, les réformes, oui, mais pas la révolution, la rupture avec le système démocratique porteuse de plus de malheurs encore que n'en génère nos sociétés actuelles aussi imparfaigtes soient-elles.
Le docteur Rieux dans la peste continue à soigner les malades, tout en sachant très bien que la peste ne disparaîtra jamais totalement et  qu'il devra, comme Sysyphe, continuer à pousser à nouveau son rocher au somment de la colline après l'avoir monté là-haut pour la énième fois et n'avoir pas pu l'empêcher de redescendre.
"Je ne déteste pas la jeunesse qui a été la mienne, mais ce n'est certainement pas sur ma conscience adolescente que je tablerais pour faire face aux exigences de l'heure. L'adolescent, c'est l'être au regard clair, à la voix vibrante, au visage grave qui ne voit jamais que des scandales là où il y a des problèmes ou des dilemmes, et des lignes droites là où il y a des carrefours. Pour lui que l'égoïsme écoeure, la politique se confond avec la morale et la morale elle-même se réduit au combat avec le Dragon. Les situations réelles pourtant relèvent plus souvent de l'alternative cornélienne que de la vengeance du compte de Monte Cristo, et la morale n'est difficile que parce qu'elle n'oppose pas le Bien et la Bête, mais consiste............. à choisir entre un bien et un autre bien. La démocratisation du luxe est un bien, mais, pour autant, la préservation du monde. La famille est un bien ainsi que l'émancipation des femmes..... A quel saint se vouer ? Que faire quand le devoir donne des ordres contradictoires ou de plusieurs côtés à la fois ? L'adolescence fuit ce casse-tête éthique dans l'abstraction exaltante d'un univers de substitution où toute la souffrance des hommes résulte de la politique des méchants. Sortir de l'adolescence, c'est donc n'avoir plus besoin d'un salaud pour incarner la mauvaise part de l'histoire : la gravité juvénile laisse place non certes à la frivolité ou à la maîtrise, mais à l'embarras et à la passion de comprendre. Passion qui se fait( jour jusque dans les situations extrêmes : " Que le lecteur referme ici ce livre s'il en attend une accusation politique", écrit Soljenistsine dans l'Archipel du Goulag. "Ah si les choses étaient si simples, s'il y avait quelque part des hommes à l'âme noire se livrant perfidement à de noires actions et s'il s'agissait seulement de les distinguer des autres et de les supprimer n! Mais la ligne de partage entre le bien et le mal passe par le coeur de chaque homme. Et qui ira détruire un morceau de son propre coeur ? La voix de stentor de Soljenitsine avait ébranlé les fondations du communisme. Maintenant que le communisme est tombé, cette voix se trouve recouverte, comme celle du choeur antique, par le lyrisme assourdissant des luttes "citoyennes". Il n'y a presque plus personne pour tendre aux jeunes une main secourable et les sortir du mélodrame. En France notamment, on adore les grandes antithèses Hugoliennes .................. Qu'il se tourne vers les profs, les artistes, les journalistes ou les philosophes - l'adolescent contemporain ne rencontre, sauf exception, que lui-même , c'est à dire l'allergie à l'inextricable et l'extase des engagements binaires ....... "
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