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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 09:55
Je n'avais pas encore vu ce film de Colline Serreau, qui passait hier soir très tard sur la 6ème chaîne.
C'est sans doute le meilleur des films de la réalisatrice que j'aie vus.
chaos.jpgLe destin de  cette  adolescente algérienne, intelligente et voulant faire des études, mais se terminant dans le drame en raison du poids des traditions de sa communauté,   est  la   parabole tragique, exemplaire et exacerbée de la condition feminine en général et met à nu l'oppression soft des autres femmes qu'elle rencontre. Vendue par son père à un homme bien plus âgé,  elle dot être mariée de force lors d'un voyage programmé au bled,. Elle s'échappe avant de monter sur le bateau et se trouve prise en main par un réseau de prostitution. Dès lors, toute son énergie et intelligence seront mises au service de son désir d'évasion et de vengeance envers les souteneurs.
La haine qu'elle voue à ceux qui l'ont réduite en esclavage, envers son père, ses frères, l'islam, le poids des traditions qui confinent les filles à un rôle d'esclaves domestiques aux service des hommes, lui permet aussi de faire prendre conscience aux femmes européennes qu'elle rencontre, qu' elles aussi sont victimes d'une oppression soft. Au nom de ces femmes, qui l'ont aidée et lui ont témoigné pour la première fois dans sa vie une empathie réelle, elle se venge à leur place du mari et des fils qu'elles ont engendrés, qui les traitent comme des boniches et ne leur montrent aucune tendresse.
Par delà la haine, que la prostituée exprime avec une violence inouie dans ses actes et ses paroles contre sa communauté et les structures mentales archaïques des mâles qui la composent, et qui sont à l'oeuvre également dans le monde occidental d'une manière plus déguisée mais non moins réelle, il y a aussi une prise de conscience, chez cette damnée de la terre par excellence,  de la solidarité qui unit toutes les femmes.
En séduisant le fils et le mari de la bourgeoise qui l'a aidée, elle aide sa bienfaitrice à prendre conscience qu'elle aussi doit se libérer des chaînes invisibles de la condition féminine.
Il est vrai que le film est parfois un peu outré et peu crédible, utopique comme le sont la plupart des films de la réalisatrice, mais comme dans toute oeuvre d'art, il faut accepter certaines conventions et voir l'essentiel, qui est ici dans le message de solidarité entre toutes les femmes et surtout dans la dénonciation féroce, sans complaisance - et pour une fois enfin, dénuée d'angélisme, de toute crainte du  politiquement incorrect et du négationisme larvé d'une partie la gauche progressiste envers le fondamentalisme culturel et sexuel de l'Islam quotidien prévalant dans nos cités - du machisme de la communauté musulmane et de son "totalitarisme ordinaire" très proche en définitive de l'idéologie des mafieux qui ont séquestré l'héroine. Ce rejet du fascisme vert domestique (pas seulement de l'intégrisme fondamentaliste...) est ici total. Il est exprimé avec une force et une lucidité impitoyables par le personnage principal dans la scène où la prostituée ayant échappé à ses tortionnaires tente au bas de l'HLM, de convaincre sa soeur de passer son bac, de quitter le cachot familial et de la suivre.
Plus impitoyable encore si cela se peut : A la fin du film, au moment où l'ancienne prostituée résussit à convaincre sa soeur de ne pas aller en Algérie pour être mariée par son père, ce dernier lui dit : "Je te donne ma malédiction"
La réplique est terrible, cinglante et définitive et résume le sort réservé aux femmes dans l'immense majorité des sociétés patriarchales archaïques :  "C'est bien la seule chose que tu m'aies donnée..." 

Ce rejet de l'oppression faite aux femmes dans les cités va de pair avec la dénonciation (plus implicite il est vrai...il n'y a pas parallellisme exact) du machisme plus "soft" mais bien réel de notre société, qui elle au moins est capable (et en celà demeure démocratique..) de se remettre en question et d'évoluer, ne serait-ce que très progressivement et superficiellement, comme le font la bourgeoise incarnée par Frot et dans une moindre mesure aussi son fils et son mari.
Concernant les hommes, il me semble - mais peut-être me trompé-je, lisant dans le film ce que la réalisatrice n'a pas voulu y mettre car voulant croire que nous ne sommes pas tous intrinsèquement mauvais - qu'ils peuvent être capables d'amour désintéressé et altruiste : le vieil homme léguant sa fortune à la prostituée, le mari et le fils de l'avocate qui, à mon avis, ne sont pas simplement flattés dans leur ego par l'intérêt simulé de la prostituée à leur encontre mais que l'on sent  (ou est-ce ma libido masculine qui fantasme ?)  comme touchés par la grâce de l'amour qu'ils éprouvent envers cette femme, amour sincère et qui résiste aux révélations de celle qui les a séduits pour se venger de tous les mâles.
Haine féroce donc de la société patriarchale, orientale et européenne, pessimisme quasi absolu quant à la possibilité de relations vraies entre hommes et femmes (si l'on ne voit pas, comme je veux le croire, la possibilité de rédemption de certains personnages masculins), mais aussi amour envers les femmes opprimées, solidarité instinctive, tripale... envers toutes les femmes. L'héroine ne se contente pas de régler ses comptes : avec le réseau de prostitution qui l'a exploitée, avec sa famille qu'elle inonde de cadeaux, de gadgets stupides, afin de les amadouer pour pouvoir rencontrer sa soeur et lui montrer que leur pulsion de consommation stupide leur fait vite oublier l'affront commis à l'encontre de leur honneur de mâles par l'insoumise et l'emporte sur les valeurs musulmanes qu'ils invoquent  pour soumettre leurs filles et soeurs. Elle tente en vain, dans la scène du HLM évoquée ci-dessus, de convaincre sa cadette de ne pas se laisser duper par le sentiment de devoir qui l'empêche encore de se sauver et de prendre en main son destin. Elle aide aussi sa compagne d'infortune prostituée à se libérer, mais également l'avocate qui s'est intéressée à son sort et la belle mère de celle ci, à prendre des distances envers les hommes de leur famille.
La scène finale, montrant les quatre femmes sur un banc, regard dirigé vers la mer (donc vers un avenir sans entraves, sans les clôtures ou barbelés séparant les êtres humains sur terre ?) veut-elle symboliser la communauté de destin profonde qui les unit au delà de leurs différences sociales et culturelles?
Je le crois.
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